À Antananarivo, la cartographie libre comme outil de gestion collective des Fokontany

Auteur: Heliarizaka Princia, Directeur Exécutif à HABAKA. Co-auteur: Pierre Chrzanowski, Spécialiste des Données Ouvertes à OpenDRI.

Tous les ans, de novembre à mars, Antananarivo est affectée par la saison des pluies. Les quartiers les plus pauvres sont généralement ceux qui sont les plus touchés par les inondations. Des projets d’infrastructures existent pour aider la capitale de Madagascar à faire face aux fortes précipitations et améliorer les conditions de vie de ses habitants. Le Projet de Développement Urbain Intégré et de Résilience du Grand Antananarivo, soutenu par la Banque Mondiale, en fait partie. Cependant, ces initiatives partagent toutes la même difficulté : un manque de données fiables pour planifier et assurer leur mise en œuvre. Le programme Open Cities du GFDRR vise à répondre à ce défaut d’information en appuyant les communautés locales – les Fokontany  – à mieux collecter, partager et utiliser les données de leur territoire.

Crédit image : Antananarivo Capitale de Madagascar Baobab29, CC Attribution-Share Alike 4.0 International license, disponible sur Wikicommons

Open Cities à Antananarivo

Le projet Open Cities Antananarivo a consisté à réaliser une cartographie générale des quartiers de Anjezika I et II, Anatihazo II et Manarintsoa. La particularité de ces quartiers est leur position géographique, dans les zones basses de la ville, ce qui explique leur vulnérabilité aux inondations. Grâce à la plateforme de collecte et de partage de données libre et collaborative OpenStreetMap, la Communauté OpenStreetMap Madagascar et des étudiants de l’Université ont réalisé une cartographie détaillée des zones d’habitation et des infrastructures existantes. Ces informations pourront servir pour planifier les travaux nécessaires à une meilleure gestion des pluies, notamment le système de drainage.

Le projet a enfin bénéficié du soutien de l’ONG HABAKA, un acteur clé pour la promotion des nouvelles technologies à Madagascar qui réalise des projets à vocation sociale et à des finalités de développement humains et du pays. HABAKA a collaboré de manière étroite avec les organismes publiques et les communautés du secteur de la cartographie, de l’urbanisation et des technologies de l’information.

Les principes de l’Open Data appliqués à la cartographie

Madagascar tarde à opérer sa transition vers le numérique et le concept de données ouvertes – open data en anglais – reste encore largement méconnu. Néanmoins, des outils comme OpenStreetMap ou l’usage de drones permettent à chacun de collecter et partager plus facilement la donnée géographique, et ainsi d’apprendre et de mettre en pratique les principes de données ouvertes, qui prônent l’accès à l’information pour tous, sans restriction aucune.

Dans le cadre d’Open Cities, les données collectées sont avant tout utiles pour le gouvernement et les acteurs responsables du développement urbain et de la gestion des risques de catastrophes naturelles. La collecte de données doit donc être planifiée en coordination avec ces différents acteurs et répondrent aux besoins identifiés : le risque d’inondations des quartiers, les conditions de vie des habitants, le développement des espaces verts. Les citoyens doivent également pouvoir bénéficier de telles informations, afin notamment d’améliorer leurs comportements face aux risques. Toutefois, pour ces derniers, une étape d’apprentissage en matière de lecture et d’analyse des données peut se révéler nécessaire. Cela peut aussi passer par de la vulgarisation.

Open Cities : une démarche inclusive de collecte, partage et utilisation de données

La particularité de la méthodologie mise en œuvre dans le projet Open Cities est sa dimension inclusive. En effet la communauté de bénévoles OpenStreetMap a collaboré avec les acteurs gouvernementaux dont la Cellule de Prévention et Gestion des Urgences (CPGU), une institution publique qui intervient dans la gestion des risques de catastrophe. La CPGU possède une expertise en prise d’images par drones. Le projet inclut également les autorités locales comme la municipalité et les chefs Fokontany qui sont les premiers concernés par les questions de développement local. Par leurs connaissances du terrain, ces autorités ont pu également contribuer à la collecte de données.

La collecte de données sur OSM, avant et après Open Cities

Utiliser la donnée dans les projets d’urbanisme, l’enjeu majeur du projet

Le succès d’Open Cities doit se mesurer à la fois sur la qualité et la quantité de données collectées, mais également sur leur ré-utilisation dans les différents projets qui visent à améliorer la ville. Ces données de qualité qui concernent à la fois l’utilisation des terres, les infrastructures et les habitants doivent permettrent de mieux cibler les zones, bâtiments et populations prioritaires et décider des méthodes d’interventions (curage des canaux, campagnes de communication, etc.).

Pour résumer, le projet Open Cities à Antananarivo, c’est:

  • L’application des principes de données ouvertes pour la collecte et le partage de l’information  à travers notamment la plateforme Open Street Map et l’usage de drones, la collaboration avec des institutions, la consultation de la population et des autorité locales, des enquêtes socio-économiques;
  • La cartographie de 3284 bâtiments, 235 km de routes, 107 km de canaux par 26 personnes pendant 2 mois;
  • Le partage des données en ligne sur des plateformes dédiées comme OpenStreetMap ou Geonode;
  • L’analyse et l’utilisation des données pour mieux cibler les interventions possibles telles que le curage des canaux, le renforcement des digues, la communication auprès des populations.

Il revient ainsi à chaque catégorie d’acteur de s’approprier des informations pour établir des projets et des politiques dont la finalité est la résilience du Fokontany.

Pour plus d’informations sur le projet : https://opencitiesproject.org/antananarivo/