Quand les communautés africaines s’emparent du numérique pour cartographier leurs villes

Auteurs : Vivien DepardayGrace Doherty, Mira Gupta, et Nuala Cowan

Article original à World Bank Blogs. (English)

Des étudiants cartographient un quartier de Dar es Salam (Tanzanie). Photo: Chris Morgan/Banque mondiale

Par leurs apports technologiques, les satellites et les smartphones ont transformé la physionomie des cartes, radicalement différentes de celles auxquelles nous étions habitués. Aujourd’hui, la référence absolue en matière de cartographie, c’est le numérique. L’accessibilité des données, avec la généralisation du libre accès, permet à de multiples agences, organisations et collectivités de réutiliser immédiatement les données relevées pour les adapter à leurs besoins. Les cartes numériques sont aussi collaboratives : grâce à des plateformes participatives, comme OpenStreetMap, chacun peut ajouter une information et améliorer le travail déjà effectué.

Or, la fourniture de services publics repose sur des données géographiques précises, permettant d’apporter aux personnes voulues et en temps voulu, les services dont ils ont besoin. Lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, des initiatives de cartographie rapide ont ainsi permis aux agents de santé publique de localiser les foyers de la maladie. Elles contribuent aujourd’hui à ralentir la propagation du nouveau coronavirus.

Une approche innovante de la mobilité mise en place par les habitants du quartier Doe à Monrovia (Libéria). Photo : Donnish Pewee, avec l’aimable autorisation d’iLab Liberia.

Cependant aujourd’hui encore, les cartes humanitaires ont des lacunes : plus d’un milliard d’individus dans le monde n’y figurent pas. Leurs habitations, voire leurs quartiers entiers ne sont pas pris en compte dans les bases de données utilisées pour organiser les services aux citadins.

Les cartographes numériques renforcent la résilience en Afrique

Les communautés marginalisées connaissent bien leur environnement — des matériaux de construction utilisés pour les bâtiments aux routes en passant par la capacité des réseaux de drainage — mais les autorités ont souvent du mal à maintenir à jour ce type de données. À elles de collaborer avec les citoyens pour combler ce déficit cartographique numérique.

Depuis le séisme qui a frappé Haïti en 2010, la Banque mondiale et la Facilité mondiale pour la réduction des risques de catastrophe et le relèvement (GFDRR) (a) travaillent avec la communauté OpenStreetMap pour mieux se préparer aux risques de catastrophe et y répondre en s’appuyant sur un réseau mondial de profils diversifiés. À ce jour, les contributeurs à OpenStreetMap ont cartographié plus de 600 millions de points rien que sur le continent africain.

Les zones urbaines d’Afrique subsaharienne sont parmi les moins cartographiées au monde et les plus vulnérables. Nombre de quartiers défavorisés se trouvent dans des zones de basse altitude déconnectées du tissu urbain environnant. Grâce au projet Open Cities Africa, les autorités municipales travaillent avec des universités locales, des ONG et des membres des communautés pour recueillir des données géographiques précises afin de bâtir un avenir plus résilient.

Des cartographes du projet Open Cities à Accra (Ghana). Photo : Stephen Mawutor Donkor/CC-BY-SA 4.0.

Depuis 2018, les équipes d’Open Cities Africa ont formé plus de 500 citadins, étudiants et fonctionnaires à la collecte de données sur les risques, ajoutant ainsi plus d’un million de routes, marchés, hôpitaux, canaux et autres points d’intérêt sur OpenStreetMap.

Un modèle centré sur la communauté

Le projet Open Cities repose sur le principe de la gestion locale des données : les responsables municipaux et communautaires ont leur mot à dire pour décider de ce qui sera ajouté sur une carte ; les jeunes reçoivent des outils pour collecter et valider les informations ; et les collectivités ont un droit d’accès, d’utilisation et d’appropriation des données qui les concernent.

Cette stratégie améliore le modèle de données — en intégrant notamment des caractéristiques importantes pour les femmes et les groupes marginalisés dans les séries de données — et donne aux parties prenantes des outils pour exiger de leurs gouvernements des services urbains. Les autorités locales disposent quant à elles d’un moyen d’améliorer leurs investissements.

La technologie pour bâtir un avenir meilleur

Les pouvoirs publics peuvent collaborer avec les habitants pour recueillir des informations par téléphone, appareil photo ou drone, qui pourront être exploitées dans un large éventail de secteurs. Dans le cadre du projet Open Cities à Niamey (Niger), un partenariat avec une start-up locale a débouché sur l’utilisation d’images aériennes prises avec un drone pour modéliser les risques de crue et concevoir des systèmes d’alerte précoce.

Lancement d’un drone à Ngaoundéré (Cameroun). Photo : Michel Tchotsoua/ACAGER.

Malgré le renforcement continu de la communauté OpenStreetMap, la demande de données risque de dépasser les capacités humaines mobilisées. Open Cities Africa considère une utilisation responsable de l’apprentissage automatique pour accélérer les relevés cartographiques. L’union de la cartographie communautaire et de l’intelligence artificielle (a) peut permettre aux responsables publics de trouver de meilleures solutions aux défis urbains.

De modestes investissements pilotes à fort impact

Les projets pilotes menés dans le cadre d’Open Cities Africa ont permis de réunir des données sur les risques qui ont servi à orienter plus de 150 millions de dollars d’investissements dans les infrastructures urbaines et TIC. À Zanzibar, une infrastructure de données géographiques servira de référentiel pour la gestion urbaine et des risques de catastrophe. À Antananarivo (Madagascar), plus de 100 kilomètres de réseaux de drainage ont été cartographiés, apportant des éléments concrets aux projets de protection contre les crues et de réhabilitation des zones urbaines. De leur côté, les habitants de Ngaoundéré (Cameroun) se réunissent désormais une fois par semaine pour accomplir les activités de nettoyage lancées dans le cadre du projet Open Cities.

Les zones inondables à Zanzibar. Carte établie par Spatial Collective.

Les données fournies par OpenStreetMap ont convaincu les autorités de se doter d’un plan de gestion des risques. Elles ont montré que de nombreux quartiers pouvaient être inondés.

Sell Abdulla Al-Jabri
Architecte au ministère de l’aménagement du territoire, du logement, de l’eau et de l’énergie de Zanzibar (Tanzanie)

L’avenir du numérique au service d’un redressement durable

Alors que la communauté OpenStreetMap redouble d’efforts, les équipes de la Région Afrique à la Banque mondiale s’emploient à développer les compétences numériques des jeunes pour développer ces activités non seulement dans les services urbains, mais aussi dans d’autres domaines, à l’instar du suivi environnemental ou des pratiques agricoles. Pour en savoir plus, découvrez l’initiative Open Cities. (a)


L’initiative Open Cities Africa a vu le jour grâce au soutien du programme de l’Union européenne pour le financement contre les risques de catastrophe en Afrique (ADRF) et, dans un certain nombre de villes, aux fonds apportés par d’autres bailleurs de fonds. Cliquez ici pour consulter le rapport final des projets financés par l’ADRF.

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Banque mondiale

BBC